Arrêt 117 de la Cour constitutionnelle - modalités agrément coordinateurs en matière de sécurité et de santé

La Cour constitutionnelle a rendu en date du 20 mars 2015 un arrêt dans l'affaire n° 00117 du registre ayant pour objet une demande de décision préjudicielle conformément à l’article 6 de la loi du 27 juillet 1997 portant organisation de la Cour constitutionnelle. Seul la décision publiée conformément à la loi au Mémorial A fera foi.

La question avait été introduite par la Cour administrative, suivant arrêt rendu le 21 octobre 2014, numéro 34444C du rôle, parvenue au greffe de la Cour constitutionnelle le 23 octobre 2014, dans le cadre d’un litige se mouvant

 

Entre :

 

A, demeurant à B-…, 

et : 

l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg, représenté par son ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration, 

 La Cour, 

composée de

 

Georges SANTER, président,

Francis DELAPORTE, conseiller,

Edmée CONZEMIUS, conseiller,

Irène FOLSCHEID, conseiller,

Romain LUDOVICY, conseiller,

 

greffier : Lily WAMPACH

 

Sur le rapport du magistrat délégué et les conclusions déposées au greffe de la Cour le 21 novembre 2014 par le délégué du gouvernement (...) pour le ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration, celles déposées le même jour par Maître Nicolas THIELTGEN, avocat à la Cour, demeurant à Luxembourg, pour A ainsi que les conclusions additionnelles déposées le 19 décembre 2014 par le délégué du gouvernement, 

ayant entendu les mandataires des parties en leurs plaidoiries à l’audience publique du 23 janvier 2015, 

 

rend le présent arrêt : 

 

Considérant que, statuant sur l’appel contre un jugement du tribunal administratif du 12 mars 2014 ayant rejeté le recours de A contre une décision du ministre du Travail, de l'Emploi et de l'Immigration lui accordant l'agrément comme coordinateur de sécurité et de santé pour intervenir sur les chantiers temporaires ou mobiles du niveau A pendant la phase d'élaboration du projet d'un ouvrage et pendant la phase de réalisation d'un ouvrage et lui refusant le même agrément pour les chantiers temporaires et mobiles des niveaux B et C, la Cour administrative a, par arrêt du 21 octobre 2014, saisi la Cour constitutionnelle de la question préjudicielle suivante: 

"L'article L.312-8 (9) du Code du Travail, renvoyant à l'article L.312-8 (6) du Code du Travail, qui à son tour renvoie à l'article L.311-2, points 7. et 8. du Code du Travail, en ce qu'il habilite le pouvoir réglementaire à déterminer les modalités d'agrément des coordinateurs en matière de sécurité et de santé sur les chantiers temporaires et mobiles, est-il conforme aux articles 32, paragraphe (3), d'une part, et 11, paragraphes (4), (5) et (6) de la Constitution, pris isolément ou de manière combinée, d'autre part?";

Considérant que l'article L.311-2 du Code du travail, en ses points 7 et 8, définit comme suit les coordinateurs en matière de sécurité et de santé pendant l'élaboration du projet de l'ouvrage (point 7.), et pendant la réalisation de l'ouvrage (point 8.): "toute personne physique, chargée par le maître de l'ouvrage d'exécuter, pendant l'élaboration du projet de l'ouvrage (respectivement: pendant la réalisation de l'ouvrage), les tâches à préciser par un règlement grand-ducal concernant les prescriptions minimales de sécurité et de santé à mettre en œuvre sur les chantiers temporaires ou mobiles";

que l'article L.312-8, paragraphe (6), du Code du travail dispose que les coordinateurs en matière de sécurité et de santé, tels que définis à l'article L.311-2, points 7 et 8, doivent être détenteurs d'un agrément délivré par le ministre du Travail et spécifiant les activités de coordination qu'ils peuvent exercer et que cet agrément est délivré aux postulants: 

1. porteurs d'un des diplômes suivants:

diplôme d'architecte ou d'ingénieur en génie civil, diplôme d'ingénieur industriel en génie civil ou d'ingénieur technicien en génie civil, brevet de maîtrise dans un des métiers de la construction, ou encore ayant accompli une formation équivalente, 

2. justifiant qu'ils ont une expérience professionnelle dans le domaine de la construction d'une durée minimale de cinq, respectivement de trois ans, suivant l'activité de coordination que les candidats entendent exercer, et 

3. ayant suivi une formation appropriée par rapport aux activités de coordination qu'ils entendent exercer, formation à définir par règlement grand-ducal;

que l'article L.312-8, paragraphe (9), prévoit qu'un règlement grand-ducal détermine les modalités d'octroi de cet agrément; 

Considérant que le règlement grand-ducal du 9 juin 2006, pris sur base de la loi modifiée du 17 juin 1994, dont l'article 9 est devenu l'article L.312-8 du Code du travail, fait une différenciation entre les chantiers en fonction de leur importance, prévoyant des chantiers niveau A, B et C, et détermine pour chacun de ces niveaux les conditions auxquelles est soumis l'agrément visé à l'article L.312-8 du Code du travail; 

Considérant que l'article 11 de la Constitution dispose en ses paragraphes (4), (5) et (6): 

"(4) La loi garantit le droit au travail et l’Etat veille à assurer à chaque citoyen l'exercice de ce droit. (…)

(5) La loi règle quant à ses principes la sécurité sociale, la protection de la santé, les droits des travailleurs, la lutte contre la pauvreté et l'intégration sociale des citoyens atteints d'un handicap.

(6) La liberté du commerce et de l'industrie, l'exercice de la profession libérale et du travail agricole sont garantis, sauf les restrictions à établir par la loi.";

Considérant que les articles L.311-2 et L.312-8, paragraphe (6), du Code du travail, instituant la profession de coordinateur de sécurité et de santé pendant l'élaboration du projet de l'ouvrage et sa réalisation et déterminant les conditions requises pour l'obtention d'un agrément pour pouvoir exercer cette profession, relèvent des dispositions constitutionnelles susvisées, étant de nature à restreindre le droit au travail, étant une mesure visant la protection de la santé des travailleurs et réglementant l'exercice d'une profession; 

Considérant que la Constitution prévoit en son article 32, paragraphe (3): 

"Dans les matières réservées à la loi par la Constitution, le Grand-Duc ne peut prendre des règlements et arrêtés qu'aux fins, dans les conditions et suivant les modalités spécifiées par la loi";

Considérant que, conformément à cette disposition, dans les matières réservées par la Constitution à la loi, l'essentiel du cadrage normatif doit résulter de la loi, y compris les fins, les conditions et les modalités suivant lesquelles des éléments moins essentiels peuvent être réglés par des règlements et arrêtés pris par le Grand-Duc; 

Considérant que l'article L.312-8, paragraphe (6), du Code du travail se limite à énumérer les diplômes devant être détenus par les postulants à l'agrément ministériel, sans donner aucune indication concernant les tâches à exercer par le coordinateur détenteur de l'un ou l'autre des diplômes visés, respectivement les chantiers sur lesquels il peut être admis à œuvrer en fonction du diplôme détenu et omet dès lors, en une matière réservée à la loi, de préciser les fins, les conditions et les modalités appelées à être spécifiées au niveau de la loi pour qu'elle puisse valablement habiliter le pouvoir exécutif à arrêter utilement des dispositions réglementaires en la matière; 

Qu’il s’ensuit que l'article L.312-8, paragraphe (9), du Code du travail n'est pas conforme aux dispositions combinées des articles 32, paragraphe (3), et 11, paragraphes (4), (5) et (6), de la Constitution;

 

Par  ces  motifs :

 

dit que l'article L.312-8, paragraphe (9), du Code du travail n'est pas conforme aux dispositions combinées des articles 32, paragraphe (3), et 11, paragraphes (4), (5) et (6), de la Constitution; 

ordonne que dans les trente jours de son prononcé, l'arrêt sera publié au Mémorial, Recueil de la législation; 

ordonne qu'il sera fait abstraction des nom et prénom de A lors de la publication de l'arrêt au Mémorial; 

ordonne que l'expédition du présent arrêt sera envoyée par le greffe de la Cour constitutionnelle au greffe de la Cour administrative, juridiction dont émane la saisine, et qu'une copie conforme sera envoyée aux parties en cause devant cette juridiction. 

La lecture du présent arrêt a été faite en la susdite audience publique par le président Georges SANTER, en présence du greffier Lily WAMPACH.

 

        Le greffier,                                           Le président,

    signé : Lily WAMPACH                      signé : Georges SANTER                                    

 

 

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