Arrêt 126 de la Cour constitutionnelle - concernant un litige tenant au montant des droits de succession à régler par une personne dans la succession de son partenaire décédé

La Cour constitutionnelle a rendu en date du 9 décembre 2016 un arrêt dans l’affaire n° 00126 du registre ayant pour objet une question préjudicielle introduite, conformément à l’article 6 de la loi du 27 juillet 1997 portant organisation de la Cour constitutionnelle, par le tribunal d’arrondissement de Luxembourg, huitième chambre, siégeant en matière civile, suivant jugement du 13 juillet 2016, n° 170.279 du rôle, parvenu au greffe de la Cour constitutionnelle le 20 juillet 2016, dans un litige opposant

XXXX, XXXX, demeurant à L-XXXX

 à

 l’ETAT DU GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG, représenté par son ministre d’Etat,

 

La Cour,

composée de

Jean-Claude WIWINIUS, président,

Francis DELAPORTE, vice-président,

Romain LUDOVICY, conseiller,

Carlo HEYARD, conseiller,

Camille HOFFMANN, conseiller,

greffier : Lily WAMPACH

 

Sur le rapport du magistrat délégué et les conclusions déposées au greffe de la Cour constitutionnelle les 19 août et 12 octobre 2016 par Maître Jean-Pierre WINANDY, avocat à la Cour, demeurant à Luxembourg, au nom de la société à responsabilité limitée LOYENS & LOEFF Luxembourg, établie à Luxembourg, ainsi que les 24 août et 26 septembre 2016 par Maître Claude SCHMARTZ, avocat à la Cour, demeurant à Bofferdange,

ayant entendu Maîtres Jean-Pierre WINANDY et Claude SCHMARTZ, assisté de Maître Isabelle BOULTGEN, en leurs plaidoiries respectives,

rend le présent arrêt :

 

Considérant qu’il se dégage du jugement de renvoi du 13 juillet 2016 du tribunal d’arrondissement de Luxembourg que XXXX met en cause, dans le cadre d’un litige tenant au montant des droits de succession à régler par lui dans la succession de son partenaire prédécédé, dont il est légataire dans le cadre d’un partenariat ayant duré moins de trois ans au moment du décès de celui-ci, la distinction entre, d’un côté, les dispositions de l’article 28, numéros 2 et 3, de la loi modifiée du 9 juillet 2004 relative aux effets légaux de certains partenariats, ci-après « la loi du 9 juillet 2004 », exigeant l’existence d’un partenariat d’une durée d’au moins 3 ans à la date du décès du partenaire afin de bénéficier du taux de base de 5 % au lieu du taux de 15 % dans l’hypothèse d’absence de descendant commun au jour dudit décès, et, d’un autre côté, les dispositions qui, pour le conjoint survivant, également dans l’hypothèse d’absence de descendant commun, prévoient un taux de base de 5% quelle que soit la durée du mariage au jour du décès du conjoint prédécédé ;

Considérant que le tribunal a soumis, avant tout autre progrès en cause, à la Cour constitutionnelle la question préjudicielle suivante :

« L’article 28, numéros 2 et 3 de la loi du 9 juillet 2004 relative aux effets légaux de certains partenariats, modifiant l’article 10 de la loi modifiée du 13 juin 1984 portant révision de certaines dispositions législatives régissant la perception des droits d’enregistrement, de succession et de timbre, en ce qu’ils soumettent les partenaires au sens de la loi modifiée du 9 juillet 2004 relative aux effets légaux de certains partenariats, sans enfants ni descendants communs, à la condition d’être liés depuis au moins trois ans par une déclaration de partenariat inscrite conformément aux dispositions de la loi modifiée du 9 juillet 2004 relative aux effets légaux de certains partenariats afin de pouvoir bénéficier :

-          du droit de succession et du droit de mutation par décès de 5% ; et

-          de l’abattement de 38.000.- euros sur la part nette recueillie ou acquise par le partenaire survivant dans la succession du partenaire prédécédé sans laisser un ou plusieurs enfants communs ou des descendants de ceux-ci ;

alors qu’une telle condition de durée n’est pas imposée aux époux, sont-ils conformes aux articles 10bis et 101 de la Constitution ? » ; 

Considérant que l’article 28 de la loi du 9 juillet 2004 dispose en ses numéros 2 et 3 que « l’article 10 de la loi du 13 juin 1984 portant révision de certaines dispositions législatives régissant la perception des droits d’enregistrement, de succession et de timbre est complété comme suit : [….]

2° Au numéro 2° lettre a) le texte est remplacé par la disposition suivante :« entre époux ou entre partenaires au sens de l’article 2 de la loi du 9 juillet 2004 relative aux effets légaux de certains partenariats et liés depuis au moins trois ans par une déclaration de partenariat inscrite conformément aux dispositions de l’article 3 de la loi du 9 juillet 2004 relative aux effets légaux de certaines partenariats, sans enfants ni descendants communs, 5% »

3° Le dernier alinéa de cet article est remplacé par la disposition suivante :« pour le calcul des droits de succession, il est effectué un abattement de 38.000 euros sur la part nette recueillie ou acquise par le conjoint survivant dans la succession de l’époux prédécédé sans laisser un ou plusieurs enfants nés de leur commun mariage ou des descendants de ceux-ci et sur la part nette recueillie ou acquise par le partenaire, au sens de l’article 2 de la loi du 9 juillet 2004 relative aux effets légaux de certains partenariats, survivant dans la succession du partenaire décédé et liés depuis au moins trois ans par une déclaration de partenariat inscrite conformément aux dispositions de l’article 3 de la loi du 9 juillet 2004 relative aux effets légaux de certains partenariats sans laisser un ou plusieurs enfants communs ou des descendants de ceux-ci ».

Considérant que l’article 10bis, paragraphe 1er, de la Constitution dispose que « Les Luxembourgeois sont égaux devant la loi. » ;

Considérant que l’article 101 de la Constitution dispose qu’« Il ne peut être établi de privilège en matière d’impôts. Nulle exemption ou modération ne peut être établie que par une loi. » ;

Considérant que la mise en œuvre de la règle constitutionnelle d’égalité suppose que les catégories de personnes entre lesquelles une discrimination est alléguée se trouvent dans une situation comparable au regard de la mesure invoquée ;

Considérant que le litige au principal porte sur la question du taux de base applicable à la succession ouverte le 10 décembre 2012, date du décès du partenaire de XXXX ; que c’est dès lors par rapport à la situation en droit à cette date que doit se situer l’analyse de la Cour ;

Considérant qu’à la base, l’intention du législateur en 2004 n’était pas celle de faire du partenariat une institution de même nature que le mariage ;

Qu’à partir de ce seul constat, la situation d’un conjoint, lié par le mariage, et celle d’un partenaire n’étaient à la base pas comparables ;

Considérant qu’il est vrai que le législateur, à travers plusieurs réformes, dont celle relative au taux de base des droits de succession dus par le partenaire survivant, a rapproché les régimes respectifs applicables aux conjoints et aux partenaires ;

Considérant que ces régimes respectifs ne sont cependant pas suffisamment proches pour être comparables, compte tenu de la différence voulue à la base par le législateur et se manifestant notamment en ce que le conjoint survivant est un héritier d’après la loi et que le partenaire survivant vient seulement à la succession de son partenaire prédécédé si un testament émanant de celui-ci l’institue comme légataire ;

Que cette différence majeure en droit empêche qu’une comparabilité suffisante puisse être dégagée au niveau des droits civils à la succession, dont découlent les droits de succession d’ordre fiscal litigieux au principal ;

Considérant que dès lors, à la date du 10 décembre 2012, les situations respectives du conjoint et du partenaire au sens de la loi du 9 juillet 2004 n’étaient pas suffisamment comparables pour permettre utilement l’application du principe de l’égalité devant la loi découlant de l’article 10bis, paragraphe 1er, de la Constitution ;

Considérant qu’en raison de la non-comparabilité des situations du partenaire survivant et du conjoint survivant dans le contexte précis des droits de succession visés – qui résultent de la loi – la question posée est sans pertinence au regard des notions de privilège ou d’exemption au sens de l’article 101 de la Constitution ;

Considérant que l’article de la loi visé par la question préjudicielle n’est dès lors contraire ni à l’article 10bis, paragraphe 1er, ni à l’article 101 de la Constitution ;           

 

PAR CES MOTIFS,

 

dit que, par rapport à la question préjudicielle posée, l’article 28, numéros 2 et 3, de la loi modifiée du 9 juillet 2004 relative aux effets légaux de certains partenariats, modifiant l’article 10 de la loi modifiée du 13 juin 1984 portant révision de certaines dispositions législatives régissant la perception des droits d’enregistrement, de succession et de timbre, n’est contraire ni à l’article 10bis, paragraphe 1er, ni à l’article 101 de la Constitution ;

dit que dans les 30 jours de son prononcé l’arrêt sera publié au Mémorial, recueil de législation ;

dit qu’il sera fait abstraction des nom et prénoms de XXXX lors de la publication de l’arrêt au Mémorial ;

dit que l’expédition du présent arrêt sera envoyée par le greffe de la Cour constitutionnelle au tribunal d’arrondissement de Luxembourg, huitième chambre, dont émane la saisine, et qu’une copie conforme sera envoyée aux parties en cause devant cette juridiction.

Lecture du présent arrêt a été faite en la susdite audience publique extraordinaire par le président Jean-Claude WIWINIUS en présence du greffier Lily Wampach.

                  

                                Le président,                                              Le greffier,

                   s. Jean-Claude WIWINIUS                               s. Lily WAMPACH

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